La route était devenue cahoteuse. Les équipages étaient secoués tandis que le vent cinglant sifflait contre le blindage des habitacles. Les véhicules s'arrêtèrent soudain, entraînant leurs passagers dans un ultime haut-le-coeur avant l'arrêt complet. Datcher défit son harnais de sécurité et remonta les rangs de ses hommes pour atteindre le cockpit. Les pilotes s'étaient arrêtés et attendaient que l'officier les rejoigne, habitués du processus. Le Colonel posa la main sur un siège de pilotage et se pencha pour observer l'étroite bande de plexiglas qui formait la seule ouverture sur l'extérieur du véhicule. Le blizzard soufflait à n'en plus finir, et la visibilité était nulle. Un des pilotes activa alors l'affichage tête-haute du véhicule en annonçant ;
« Mon Colonel, nous sommes face à des falaises infranchissables, seul un petit corridor se dessine à travers elles, et les formations rocheuses s'étendent sur des kilomètres, d'après les instruments. Le vent devrait se faire moins cinglant dans le canyon, mais il est à peine assez large pour autoriser deux de nos véhicules à y rouler de face... »
Une voix résonna alors derrière Datcher ;
« ça c'est ce que j'appelle un piège ! Ou je vous donne ma casquette de Commisaire ! »
Lukas avait entendu la conversation depuis l'arrière du véhicule grâce à son audition bionique. Chaque soldat de choc hocha la tête en guise d'approbation et leur Capitaine commençait même à charger son bolter en récitant quelques règles de bon usage. Les soldats se mirent alors à vérifier leur équipement avant même que Datcher ai pu répondre.
« Bon, les Eldars nous attendent, ils vont nous avoir, soyez prêts à sortir, nous ouvrirons la marche ! »
« Mon Colonel j'aimerais régler un petit détail avant que nous débarquions tous ... » Entama le Capitaine.
« Très bien Nathanos, mais je donne mes ordres avant si vous le permettez ... » Lança Datcher, prit de court.
Le Colonel se saisit alors de l'intercom du véhicule et le porta à la bouche ;
« Ici le Colonel Datcher, nous allons pénétrer dans un défilé étroit, sans doute pour nous y faire piéger. A ceci prêt que l'ennemi ne s'attend pas à ce que nous soyons au courant. Je veux que chaque homme soit des plus vigilant, chargez vos armes et resserrez les sangles de vos armures carapaces. Que chaque tourelle, chaque canon et chaque arme extérieure soit chargée et prête à tirer avant que votre véhicule n'entre dans le canyon. Mais ne vous risquez pas dehors tant que l'ennemi ne se sera pas montré. J'ordonne également au 1er au 2ème et au 3ème peloton d'infanterie de quitter ses véhicules pour les couvrir à l'extérieur, soyez attentif au moindre signe d'activité.
- Datcher s'addresse enfin directement au pilote -
Faites passer un Leman Russ Exterminator en tête, je veux qu'il avance de concert avec notre Chimère, merci ... »
La colonne de blindés se remit alors en branle, les servants de tourelles arment leurs armes, les équipages de certains véhicules descendant dans le froid, suivant leurs transports comme des balises au milieu du blizzard. Un Leman Russ teinté de blanc par les flocons remonta rapidement le groupe de véhicules massés à l'entrée du canyon et d'y engagea en tête, en même temps qu'une Chimère que la neige avait rendue albinos. Les véhiculent suivirent ensuite, avançant en binôme, flanqués de temps en temps par des troupes à pieds, armées et parées. Le groupe de tête était constitué par une douzaine de soldats soutenus par une Chimère et un Leman Russ aux canons gatlings chargés, pointés vers l'inconnu.
L'air était presque respirable dans le canyon. Le froid était redescendu aux limites du supportable et ne faisait plus que raper les poumons comme du papier de verre lorsqu'on le respirait. Les soldats de tête avançaient en pointe, dirigés par un Commissaire à la livrée rouge écarlate et un Colonel non moins voyant, tout habillé d'un gris béton qui jurait fortement avec le blanc du sol et des murs parfaitement droits. Les soldats avançaient au pas, inspectant chaque recoin, chaque cailloux ou chaque rocher pouvant abriter un ennemi. Certaines sentinelles jetaient également des regards anxieux aux hauts murs, tentant de voir leur cîme. La colonne blindée progressa sur une longue ligne parfaitement droite sans pouvoir apercevoir la fin du canyon, ni son début après quelques heures de marche. L'ambiance était oppressante, le bruit des pas ne répondant qu'au mouvement lent des chenilles des véhicules blindés. Le souffle des soldat formait de la buée devant eux, embrumant leurs visières et les lunettes de visée de leurs armes. Les lueurs des cellules énergétiques des lance-plasma reflétaient des tons bleus azur sur les murs blancs, éclairant la colonne de toute part. Couvert par le Capitaine des troupes de chocs, le commandant de l'expédition progressait en tête. Son képi rivé sur le chef, la main portée au pommeau de son épée énergétique, il scrutait le défilé avec un oeil suspicieux. Il s'arrêta alors en levant le bras, et toute la colonne se figea dans une attente tendue. Il semblait presque humer l'air, observant la longue ligne droite devant lui. Une brume mystique se répandait désormais à quelques dizaines de mètres devant eux. Il s'apprêta à ouvrir la bouche mais il n'eut jamais le temps d'entamer sa phrase.
Un bruit strident perça la brume et un éclair blanc transperça son képi, faisant exploser sa tête. Dès l'audition du tir, le Commissaire se jeta à terre sans chercher à comprendre d'où il provenait ou la cible qu'il tentait d'atteindre. Ce n'est que grâce ce réflexe qu'il évita sa propre mort alors qu'un deuxième tir avait filé dans sa direction presque aussitôt après le premier. Sa casquette fut percée d'un trou, mais son crâne resta intact. Il se releva aussitôt et commença à hurler divers ordres aux soldats ;
« Premier rang couché, second à genoux et deux autres debout en enfilade !! Exécution !!!! »
L'officier supérieur marinait dans son sang qui commençait déjà à geler sur le sol. Les Gardes fièrent devant les véhicules et formèrent un barrages de fusils laser et de fusils radians -pour les troupes de chocs – parés à faire feu. Le Commissaire dégaina son épée énergétique et attrapa le comlink d'un radio du dernier rang ;
« Le Leman Russ Exterminator ! »
Le radio ajusta immédiatement la fréquence tout en gardant la brume en joue.
« Hachez les ! Faites feu dans la brume !!! »
Le char lourd orienta ses canons et les mitrailleuses déversèrent une déferlante de bolts dans le nuage blanc. Les bruits des tirs et des impacts étaient assourdissant, résonnant contre les parois du canyon. Les chargeurs se vidèrent à une allure phénoménale et les tirs cessèrent enfin la fumée s'échappant des fûts chauffés à blanc. Les Gardes de la tête de convois n'avaient pas bougés d'un pouce, continuant à braquer leurs armes face à eux. Tandis que le cher rechargeait ses armes des cris stridents jaillirent de la brume, inhumains, suraigus. Des Eldars à la livrée blanche et aux cheveux de feu surgirent alors à quelques dizaines de mètre devant les humains, chargeant à grande foulée. Les Banshees étaient menées par un Exarque araignée spectrale, les reflets irisés de son armure éblouissant les Gardes qui le fixait. Leurs lames sorcières scintillaient et annonçaient une mort certaine aux soldats si elles les atteignaient.
Le Commissaire leva son épée en l'air et cria ;
« Ne faites feu qu'à mon ordre ! .... Un ! .... Deux ! ... »
Et alors que le commissaire s'apprêtait à annoncer la suite de son décompte, les attaquants disparurent dans un claquement d'air. La tactique Eldar était claire ; éviter le premier tir de barrage pour hacher menu les hommes de tête... Mais Lukas connaissait la chanson ;
« Deux et demi !!!! .... »
Aucun soldat ne fit feu, ils étaient habitués aux invectives du Commissaire depuis bien longtemps, mais pas les Eldars, qui réapparurent à quelques mètres de leur proie. Si ils n'avaient pas portés de casque, la surprise aurait sans doute été visible sur leur visage... Mais le sourire de chaque humain se dessinait sur leurs lèvres et la mort attendait leurs cibles.
« TROIS !!!!! »
Une vague sans pareille de tirs lasers rasèrent littéralement le canyon. Les fusils lasers, les fusils radians, le multi-laser de la Chimère de tête et même les fusil à plasma de quelques gardes spécialisés avaient fait feu de concert. Les Banshees furent hachées menues. Leurs armures percées de toute part et leurs cadavres fumant libérant une vapeur à l'odeur de chair calcinée. Un soldat rompit les rangs et se mit à côté du Commissaire. Il retira son casque pour dévoiler son visage ; celui du Colonel Datcher.
Il se dirigèrent de concert vers le cadavre inanimé. Lukas ferma les yeux du défunt tandis que Datcher récupérait ses propres armes, et déposait les legs du sosie sur sa dépouille. Datcher commença à soupirer et à faire « non » de la tête, mais Lukas l'interrompit ;
« Il a fait son devoir, c'est triste à dire, mais il valait mieux lui que vous mon Colonel »
« Exactement, c'était prévu ainsi, et il était fière de savoir qu'il se sacrifiait pour sauver votre vie mon Colonel. »
Le Capitaine des Endurants les avait également rejoins.
Datcher hocha la tête et regarda alors vers la brume qui se dissipait peu à peu, le sol était jonché des cadavres des Banshees, encore fumants. Les soldats avaient conservé leur formation serré, leurs armes toujours pointées vers l'inconnu. Datcher s'avança de quelques mètres et observa les morts. Il fronça les sourcils et lança ;
« Où est l'exarque ? »
La réponse fut rapide et sanglante. Le maître Eldar apparut face au gradé et plongea ses lames énergétiques dans le ventre de Datcher. Ce dernier émit un hoquet et fixa son agresseur, un rire moqueur sortit du casque de l'Eldar et il annonça d'une voix surnaturelle, au timbre brouillé par les respirateurs de son casque « Jeune fou, vous avez été dupé »
Datcher sourit et répondit en crachant au visage de l'exarque ;
« Vous avez été dupé ! Vous auriez mieux fait de me trancher la tête, vous auriez été sûr du résultat »
Le Colonel dégaina son épée et sépara la tête de l'exarque de son corps. L'armure, la chair et les os furent coupés comme du papier. Le corps commença à s'affaisser sur lui-même et Datcher retira l'arme de son ventre. Un liquide jaunâtre s'écoula quelques temps de la plaie ouverte. Mais des médecins – et un Technaugure - accoururent vers l'officier supérieur pour panser ses plaies. Le Commissaire ordonna au convois de reprendre la route, et la machine de guerre se remit en branle, les soldats retrouvant leur habitacles ou leur zone de patrouille.
A l'intérieur de la chimère de tête, un Technaugure achevait de soigner le Colonel tandis que Lukas jetait un oeil curieux au manège du « médecin ». Le serviteur de Mars commença par injecter une substance argentée dans les plaies du Colonel – qui grogna lorsque son soigneur tritura ses plaies pour en retirer d'éventuels débris – avant de les recouvrir d'un baume bleu et de divers bandages. Datcher pu ensuite remettre son uniforme et répondit à l'air interrogateur du Commissaire ;
« Une blessure mineur pour moi ... Mais elle n'est pas passée loin d'un câble d'alimentation, pour ça que le Technoprêtre était tatillon ... » La dernière phrase arracha un rictus aux deux compères et il rattachèrent leur harnais de sécurité tandis que les cahots de la route recommençaient à secouer le véhicule. La voix du pilote résonna pour annoncer qu'ils étaient sortis du canyon et que la plaine de Pavonis se dessinait désormais sur leur chemin, l'air allait redevenir respirable. Mais les forces Tau les attendaient ...
Sujet: Embuscade dans le canyon 